HISTOIRE DE VEUVES & ORPHELINES

Je suis née d’un refus et d’une révolte :
refus du silence, du conformisme, du luxe aseptisé.
Refus d’un monde qui glorifie la perfection et efface le chaos d’où naît le beau.

Je suis en marge, une âme solitaire dans le vacarme.
Je n’appartiens à aucun mouvement, à aucune école, à aucune hiérarchie, pas même à votre monde. Mon univers se dresse anarchiquement contre tout et rien : le soleil et la lune, la foi et le doute, le feu et la cendre. Un paradoxe et une contradiction.

Je revendique une activité artistique dans le domaine des habits : anarchique, libre, instinctive. Un art qui brûle l’âme, thérapeutiquement, celui qui met des pansements sur la psyché.

La veuve et l’orpheline est la métaphore de tout ce qui reste après l’effondrement : les vestiges, les âmes errantes, les damnés et les mécréants. Chaque pièce est pensée comme une relique contemporaine, née du désordre, façonnée dans la tension entre destruction et renaissance.

Dans mon atelier, les tissus sont organiques. Ils portent les cicatrices du geste, la trace de la lutte, la mémoire des flammes et le croc du serpent noir. J’y tisse des contradictions : le brut et le raffiné, la douleur et la grâce, la fin et le recommencement, le beau et le laid. Chaque couture devient un acte de résistance, chaque silhouette, une déclaration de guerre contre la conformité.

Mon esthétique n’est pas faite pour plaire. Elle est faite pour déranger, questionner, troubler, pour rappeler que la beauté ne réside pas dans la symétrie,
mais dans le dernier souffle de la veuve. Le vêtement n’est pas une parure : c’est une armure, une cicatrice, un manifeste,
une extension du corps, votre troisième œil.

Je suis un cri silencieux adressé à ceux qui ne se reconnaissent nulle part ceux des sous-sols et des ziggourats. Une ode à l’ombre, à l’excès, à l’imperfection.
Une vision du monde où l’élégance naît du désordre, et où la mode devient un terrain d’insurrection et de sang.

Je ne cherche pas à habiller, ni à devenir célèbre. Je cherche à révéler, à revendiquer la vérité : révéler l’âme sous le tissu, la brûlure sous la beauté, l’humain derrière le vêtement. Chaque création est un fragment d’âme qui me coûte cher, un éclat d’anarchie, une célébration du vivant et du mort.

Je ne suis pas une marque. Je suis le logos énigmatique, la muse noire qui empoisonne son serpent. Je brûle mon monde pour me vêtir de ses cendres.